Rebecca DEREL, Eric GERARD, Julien COLLET : Socavet scop SA, 75bis Boulevard de Penthièvre, 22600 Loudéac, France
Hubert GANTELET, Caroline POMMELLET : Ceva Biovac, 6 rue Olivier de Serres, 49070 Beaucouzé, France
INTRODUCTION
Streptococcus suis est une bactérie dont l’infection induit chez le porc des arthrites, des méningites, des péricardites, des endocardites, des polysérosites, des septicémies à l’origine de pertes importantes en élevage. Il existe plus de trente sérotypes différents dont le plus fréquent en France est le sérotype 2 (2). La vaccination est une stratégie de choix pour à la fois limiter l’impact de la maladie
et réduire la consommation d’antibiotiques prescrits pour la contrôler. Il n’existe pas en France de vaccin commercial disponible et de ce fait, les autovaccins sont largement utilisés. Le protocole le plus fréquent consiste à vacciner les truies afin de protéger leurs issus de la maladie grâce aux anticorps maternels transmis via le colostrum (1). Cependant il n’existe pas de critère fiable et répétable d’évaluation de l’efficacité des autovaccins et les résultats d’essais sont très variables (3). C’est la raison pour laquelle une comparaison sur un grand nombre de fermes des critères zootechniques, thérapeutiques et financiers avant et après vaccination
se révèle être un outil intéressant.
MATÉRIEL ET MÉTHODE
Objectif :
L’objectif était de comparer le taux de pertes en post-sevrage et la consommation d’antibiotiques, d’un point de vue quantitatif et financier, depuis le sevrage des porcelets jusqu’à la fin de la période d’engraissement, les outils à disposition ne permettant pas de limiter ce calcul à la seule période de post-sevrage. Les antibiotiques retenus ont été l’amoxicilline et l’association triméthoprime/
sulfamide. Les périodes idéales de comparaison étaient de un an avant et un an après vaccination, sujettes à quelques variations lorsque les données n’étaient pas exploitables sur l’ensemble de ces périodes. Dans tous les élevages, le protocole vaccinal était le même: deux injections de primo-vaccination trois et six semaines avant la mise-bas puis rappel trois semaines avant chaque mise-bas. Cette étude a porté au total sur 1880 truies et 47883 porcelets avant vaccination et 46144 après vaccination.
Choix des élevages :
En mai 2015, dans un groupement de producteurs, 19 fermes utilisaient un vaccin contre Streptococcus suis sur les truies. Parmi ces fermes, six avaient débuté la vaccination depuis quelques semaines et ne pouvaient, de ce fait, pas faire l’objet d’une comparaison. Sur les 13 élevages restant, la récupération de toutes les données n’étant pas réalisable malgré des résultats très favorables, seules sept exploitations ont été retenues. Six étaient situées dans le Finistère et une en Ile-et-Vilaine. Une exploitation utilisait un autovaccin contenant des antigènes inactivés fabriqués à partir de souches de Streptococcus suis de sérotypes 9 et 7, les autres uniquement de sérotype 2. Seul un élevage utilisait un vaccin contenant un adjuvant aqueux avec des antigènes fabriqués à partir d’une souche de Streptococcus suis de sérotype 2. Les autres utilisaient des vaccins contenant un adjuvant huileux.
Statistiques :
L’analyse statistique a été réalisée sur GraphPad Prism 6. Un test signé des rangs de Wilcoxon sur échantillons appariés a été utilisé avec hypothèse que la différence moyenne entre les deux mesures était nulle.
RÉSULTATS
Le pourcentage moyen de mortalité en post-sevrage est passé de 4,53% avant vaccination à 2,25% après vaccination des truies, ce qui représente une diminution de 50% (p=0,0156) et ce même dans les élevages où le taux de mortalité initial était déjà faible.
Figure 1 : Taux de perte en post-sevrage avant et après vaccination pour chaque exploitation.
Cette diminution a représenté un gain économique moyen de 1,83 € pour 100 kg de carcasse produit (estimation selon les résultats de Porcs Bretagne).
Consommation d’antibiotiques :
La tendance observée a été à la forte baisse d’antibiotiques distribués sous forme de prémélange (-6,155 g de matière active/100 kg de poids vif (PV)), à la baisse des antibiotiques par voie orale (-0,11 g de matière active amoxicilline/100 kg PV) et à une stabilité de l’utilisation des antibiotiques injectables (-0,001 g d’amoxicilline active/100 kg de PV).
Tableau 1 : Évolution de la consommation des matières actives sous forme de prémélange avant et après vaccination des truies, en grammes par 100 kg de poids vif
Ces chiffres ont été perturbés par l’apparition dans deux élevages de cas de toux et de maladie de l’œdème en post-sevrage sur la période qui a suivi la vaccination. C’est la raison pour laquelle l’analyse statistique n’a pas donné de résultats significatifs. Au final, ces données ont démontré une tendance à l’arrêt du traitement collectif souvent utilisé à titre préventif et à une orientation vers
un traitement thérapeutique individuel.
Étude économique :
L’étude a porté sur la consommation totale d’antibiotiques du début du sevrage à la fin de la période d’engraissement. La baisse moyenne de consommation en antibiotiques sous forme injectable a représenté un gain de 0,13 €/100 kg de carcasse et sous forme orale de 0,39 €/100 kg de carcasse après vaccination, soit un total de 0,52 €.
Tableau 2 : Différence de coût des traitements antibiotiques (Ab) avant et après vaccination chez les porcs du sevrage à la fin de l’engraissement en euros par kg de carcasse
Cette différence financière a été moindre dans les élevages 1 et 2 parce qu’ils ont fait face, après la vaccination, à des pathologies génératrices de toux et à la maladie de l’œdème qui ont nécessité des traitements antibiotiques.
Figure 2 : Évolution de la consommation totale en antibiotiques (Ab totale avant et Ab totale après vaccination en euros par 100 kg de carcasse) (n=7, différence NS)
On a observé une homogénéisation de l’évolution de la consommation totale en antibiotiques essentiellement liée à la baisse des traitements collectifs par voie orale. Dans cette enquête, les gains observés ont donc été de 1,83 euros par 100 kg de carcasse sur le critère mortalité en post-sevrage et de 0,53 euros par 100 kg de carcasse sur la consommation d’antibiotiques du sevrage à la vente, ce qui a représenté un total de 2,36 euros pour 100 kg de carcasse.
CONCLUSION
Il a été montré dans cette étude que les autovaccins contre Streptococcus suis administrés aux truies jouent un rôle important dans la diminution de la mortalité en post-sevrage et de la consommation d’antibiotiques. Il n’a pas été possible de mesurer dans tous les élevages le Gain Moyen Quotidien, un critère potentiellement intéressant en attendant la possibilité de réaliser un suivi des anticorps d’origine maternelle.
Enfin, les essais cliniques randomisés incluant un suivi rapproché des animaux sont fondamentaux pour établir l’efficacité d’un vaccin. Cependant, une étude de cohorte représente un grand intérêt dans les maladies multifactorielles telles que les infections à Streptococcus suis.
(1) Baums CG, Brüggemann C, Kock C, Beineke A, Waldmann KH, Valentin-Weigand P. Clin. Vaccine Immunol. 2010, 17(10):1589. doi: 10.1128/CVI.00159-10.
(2) Gottschalk M, Kobisch M, Berthelot-Hérault F. Journées Rech. Porcine en France 2001 ; 33, 269-276
(3) Segura M. Expert Rev Vaccines. 2015; 14(12):1587-608. doi: 10.1586/14760584.2015.1101349